Des milliers de Français de plus de 70 ans découvrent trop tard qu’ils auraient pu percevoir une pension de retraite bien plus élevée. Chaque mois, une partie de leurs droits reste non versée, représentant parfois plus de 2 000 euros perdus chaque année. Selon les estimations, près de 940 000 retraités en France ne touchent pas l’intégralité de ce qui leur revient, un chiffre alarmant qui illustre l’ampleur du scandale des retraites.
Un manque à gagner colossal pour les seniors
D’après des données internes consultées, près de 600 000 retraités ne perçoivent pas du tout leur pension du régime général, alors qu’ils y ont droit. À ce chiffre s’ajoutent environ 340 000 personnes en situation de non-recours partiel, touchant une pension mais amputée d’une partie des montants dus. Au total, un retraité sur dix serait concerné par ce manque à gagner.
« Je n’ai jamais su que j’avais cotisé », raconte Marie-Louise, 84 ans, ancienne nounou à domicile. « On ne m’a jamais rien envoyé. C’est ma petite-fille qui a découvert la situation après un reportage. »
D’autres témoignages confirment l’ampleur du problème : « J’ai touché 6 000 euros d’un coup pour les années oubliées. Au début, j’ai cru à une arnaque », explique une retraitée.
Pour les seniors n’ayant rien perçu, la perte moyenne atteint 180 euros par mois, soit plus de 2 000 euros annuels. Quant aux cas de non-recours partiel, ils entraînent en moyenne 40 euros de manque chaque mois. Des sommes lourdes de conséquences sur des pensions déjà fragiles.
Read more: Éducation nationale – 100 € de prime informatique trimestrielle pour les enseignants
Le droit quérable, un système à l’envers
Contrairement à un droit « attribuable d’office », la retraite en France repose sur le principe du droit quérable. En pratique, cela signifie que chaque assuré doit faire la démarche de réclamer sa pension. Sans demande, aucune somme n’est versée, même après des années de cotisations.
Ce fonctionnement continue de surprendre de nombreux Français, en particulier les plus fragiles ou ceux aux parcours professionnels atypiques. Les principaux profils concernés sont :
- Les personnes ayant travaillé quelques mois ou années avant de s’installer à l’étranger
- Les Français nés hors du territoire ou possédant une double nationalité
- Les femmes ayant interrompu leur carrière pour élever leurs enfants
- Les travailleurs modestes cumulant de petits emplois successifs
Ces catégories passent fréquemment à côté de leurs droits, faute d’informations, de suivi administratif ou par méfiance envers les démarches complexes. Résultat : des pensions incomplètes et des pertes financières importantes pour des seniors déjà en situation de fragilité.
Combien d’argent a réellement été perdu ?
Il aura fallu des années pour mesurer l’ampleur du phénomène. Rien qu’en 2023, près de 13 millions d’euros ont été reversés sous forme de rattrapages exceptionnels. Mais ce montant reste dérisoire face aux pertes cumulées, estimées à plusieurs centaines de millions d’euros sur une décennie.
Le calcul est édifiant : un simple oubli de 20 euros par mois équivaut à plus de 6 000 euros envolés sur 25 ans de retraite. Des sommes considérables qui pèsent lourdement sur des pensions déjà insuffisantes.
| Type de non-recours | Nombre de seniors concernés | Montant perdu en moyenne par mois |
|---|---|---|
| Non-recours total | 600 000 | 180 € |
| Non-recours partiel | 340 000 | 40 € |
Des rappels encore possibles après 70 ans
La situation n’est pas irréversible. « Il ne faut pas croire qu’il est trop tard », assure un cadre de l’Assurance retraite interrogé. Les rappels restent possibles, parfois sur plus de dix années en arrière.
Pour limiter les pertes, les caisses de retraite ont commencé à cibler les seniors concernés. En 2024, plus de 500 000 courriers ont ainsi été envoyés. Mais la règle demeure : l’initiative doit venir de l’assuré. Sans demande, aucun versement complémentaire n’est déclenché.
Les démarches recommandées pour éviter ou corriger un oubli :
- Vérifier régulièrement son relevé de carrière via son espace personnel retraite
- Demander une correction auprès de sa caisse si des périodes de cotisation sont manquantes
- Déposer une demande de liquidation, même après 70 ans
- Solliciter l’aide d’un conseiller retraite ou d’une association spécialisée pour être accompagné
En suivant ces étapes, des milliers de seniors peuvent encore récupérer des sommes oubliées et améliorer significativement leur pension.
À qui profite ce silence ?
Beaucoup s’étonnent du manque de réactivité des autorités face à un dysfonctionnement aussi ancien. « Pendant des années, on ne faisait rien. C’était plus simple de laisser les gens ignorer », reconnaît, sous couvert d’anonymat, un ancien cadre de la CNAV.
Ce mutisme soulève une question essentielle : existe-t-il une véritable volonté politique de protéger les plus précaires ? Car les grands perdants de ce système sont justement ceux qui disposent le moins de moyens pour vérifier leurs droits : des retraités modestes, souvent isolés, incapables de détecter par eux-mêmes les erreurs qui les privent de centaines d’euros.
La fracture numérique, dernier verrou
La généralisation du numérique aggrave encore la fracture sociale. Une grande partie des seniors n’utilisent pas Internet et se retrouvent exclus des démarches en ligne. Sans accès au portail Info-Retraite ni à leur espace personnel, ils n’ont aucun moyen de vérifier les données de leur carrière. Le risque est dramatique : découvrir trop tard — parfois même après un décès — que des années de cotisations n’ont jamais été prises en compte.
Marie-Louise traduit ce sentiment d’abandon :
« C’est comme si on nous effaçait des fichiers, mais qu’on attendait que ce soit nous qui protestions. »
Aujourd’hui, près d’un million de retraités vivent avec une pension amputée. Pour certains, c’est une injustice criante ; pour d’autres, une erreur administrative enterrée sous des formulaires oubliés. La voie pour récupérer ses droits reste complexe, mais elle débute souvent par une question simple :
FAQ
Qu’est-ce que le scandale des retraites en France ?
Le scandale des retraites désigne le fait que près d’un million de seniors ne perçoivent pas l’intégralité de leur pension, perdant ainsi chaque année des centaines, voire des milliers d’euros.
Combien de retraités sont concernés par le non-recours ?
On estime qu’environ 940 000 retraités sont touchés : certains ne touchent rien du tout, d’autres perçoivent une pension incomplète.
Pourquoi certains seniors ne touchent pas toute leur retraite ?
Cela s’explique par le principe du droit quérable : en France, il faut faire la demande pour percevoir sa pension. Sans démarche active, les cotisations peuvent rester non versées.
Peut-on récupérer une pension oubliée ?
Oui. Les rappels sont possibles, parfois sur plus de dix ans. Certains retraités ont touché plusieurs milliers d’euros en rattrapage.
Est-ce trop tard après 70 ans pour demander sa retraite ?
Non. Même après 70 ans, il est possible de faire une demande de liquidation de droits et de récupérer les sommes non perçues.
Comment le tout numérique accentue-t-il les inégalités ?
De nombreux retraités n’utilisent pas Internet. Sans accès au portail Info-Retraite, ils ne peuvent pas vérifier leurs droits ni déposer de demande facilement.
Que fait l’État pour corriger ce scandale des retraites ?
Depuis peu, les caisses de retraite envoient des courriers ciblés aux seniors potentiellement concernés. En 2024, plus de 500 000 lettres ont été adressées. Mais la démarche reste à l’initiative du retraité.
Conclusion
Le scandale des retraites met en lumière une injustice silencieuse : près d’un million de seniors français vivent chaque année avec une pension amputée de centaines, voire de milliers d’euros. Victimes d’un système basé sur le droit quérable, beaucoup ignorent qu’ils doivent réclamer activement leurs droits pour en bénéficier. Les plus fragiles — retraités modestes, femmes aux carrières interrompues, personnes nées à l’étranger ou éloignées du numérique — sont les premiers touchés.
