Entre gardes épuisantes et patients souvent peu coopératifs, les internes en médecine d’urgence jonglent avec les heures supplémentaires et une rémunération souvent insuffisante. Témoignage d’un jeune interne plongé au cœur de l’action hospitalière.
Les urgences ne se résument pas aux gyrophares ou aux diagnostics vitaux. Chaque journée est un enchaînement de visages fermés, de stress social et de fatigue intense. Derrière sa blouse, cet interne doit tenir le rythme : soigner, s’adapter et compter chaque euro de son salaire.
Un emploi à responsabilité, une paie de stagiaire
Lucas, 27 ans, interne en quatrième année de médecine, passe ses nuits dans les box des urgences d’un hôpital francilien. Entre arrêts cardiaques et fractures évitées de justesse, il confie :
« Je soigne des patients grincheux toute la journée. Et quand je vois ma fiche de paie à la fin du mois, j’ai l’impression d’être traité comme un simple stagiaire plutôt que comme un futur médecin. »
Son salaire mensuel net se situe entre 1 500 et 1 700 euros, primes comprises, pour environ douze gardes par mois. Ces gardes, souvent de 24 heures, s’ajoutent à ses journées habituelles, totalisant plus de 60 heures par semaine, parfois jusqu’à 72, pour un revenu qui reste presque inchangé.
Décomposition du salaire mensuel d’un interne
| Composant | Montant (€ brut) |
|---|---|
| Salaire de base 4e année | 1 520 |
| Indemnité de sujétion | 435,18 |
| Prime de responsabilité | 179,51 |
| Gardes (12 x 149,48 € en moyenne) | 1 793,76 |
| Majoration logement/nourriture (variable) | ≈ 200 |
| Total mensuel brut | ≈ 4 128 |
Après déduction des cotisations sociales, le salaire net mensuel se situe généralement entre 2 300 et 2 500 euros. Un montant étonnamment faible au regard de la charge mentale et physique constante que représentent les urgences hospitalières.
Des nuits sans sommeil et sans reconnaissance
Lucas résume une nuit de garde récente : trois fractures ouvertes, deux OAP, un AVC, une tentative de suicide… et un patient venu parce que sa langue lui picotait.
« Je n’ai rien contre les gens. Mais après 18 heures sans pause, entendre quelqu’un râler parce qu’il attend depuis trente minutes, ça donne envie d’abandonner. Dans leur tête, on reste juste des ‘étudiants’. Le regard social est complètement déconnecté de notre réalité. »
Un audit interne du CHU où il exerce révèle que 37 % des internes se disent proches du burn-out. Les conditions de travail aux urgences, combinées à un manque de reconnaissance institutionnelle, renforcent un sentiment d’injustice de plus en plus marqué parmi les promotions actuelles.
Soigner avant de se construire
Pour les internes en début de carrière, le quotidien est exigeant : affronter la souffrance humaine, apprendre sans cesse, dormir peu et accepter une rémunération temporairement faible. Mais ce « temporaire » peut durer jusqu’à six ans.
« Ma copine est prof des écoles. Elle gagne presque autant que moi, sauf qu’elle n’a pas cinq gardes de nuit par mois. À ce rythme, on repousse l’idée d’avoir un enfant. Le confort, ce n’est pas pour tout de suite. »
Lucas n’est pas un cas isolé. Des centaines d’internes vivent cette tension entre dévouement professionnel et précarité relative. Ils enchaînent les gardes, planifient leurs courses selon les promotions et ne rentrent que quelques heures pour dormir avant de reprendre le rythme infernal.
Et après l’internat ?
En sortie d’études, les médecins urgentistes peuvent enfin revoir leur rémunération. Un urgentiste débutant gagne généralement entre 4 000 et 4 700 euros nets par mois, tandis que les plus expérimentés peuvent espérer entre 7 100 et 9 200 euros nets mensuels, selon la région et le statut (libéral ou salarié).
Quelques repères régionaux pour médecins confirmés :
- Outre-Mer : 8 902 €/mois
- Corse : 8 891 €/mois
- Nouvelle-Aquitaine : 8 233 €/mois
- PACA : 6 808 €/mois
Pour les internes comme Lucas, tout cela reste abstrait. Au quotidien, il voit surtout des collègues épuisés qui pleurent en salle de repos, des pauses toujours sacrifiées, et des journées à enchaîner les diagnostics comme des machines… sauf que ces machines, elles, ne pleurent pas et ne font pas de gardes de nuit.
Dans cette jungle hospitalière, il continue. À défaut d’être payé à sa juste valeur, il se console en se disant qu’un patient pourrait sourire demain… ou pas.
FAQ
Quel est le salaire moyen d’un interne aux urgences en France ?
Le salaire net mensuel d’un interne aux urgences se situe généralement entre 1 500 et 2 500 euros, primes comprises, selon le nombre de gardes effectuées.
Comment évolue le salaire après la titularisation ?
Une fois titularisé, un urgentiste débutant gagne environ 4 000 à 4 700 euros nets par mois, tandis que les médecins expérimentés peuvent atteindre 7 000 à 9 000 euros nets, selon la région et le statut.
Les gardes de nuit sont-elles rémunérées ?
Oui, chaque garde de nuit de 24 heures est rémunérée en plus du salaire de base, mais elles représentent un rythme très exigeant, souvent de 12 gardes par mois ou plus.
Quelles sont les charges sociales pour un interne ?
Après déduction des cotisations sociales, le salaire net peut être inférieur au salaire brut, soit généralement 2 300 à 2 500 euros pour un interne aux urgences.
Combien d’heures travaille un interne aux urgences ?
Les internes effectuent souvent 60 à 72 heures par semaine, incluant gardes de nuit et journées classiques, avec très peu de temps pour se reposer.
Les internes aux urgences risquent-ils le burn-out ?
Oui, selon les audits internes, environ 37 % des internes déclarent se sentir proches du burn-out, en raison de la charge mentale, physique et du manque de reconnaissance.
Comment gérer la vie personnelle avec ces horaires ?
La vie personnelle est souvent affectée : certains repoussent des projets familiaux ou personnels à cause des gardes fréquentes et du rythme intense.
Conclusion
En résumé, le salaire d’un interne aux urgences reflète rarement la responsabilité, la fatigue et la charge mentale du métier. Entre gardes de nuit, journées intenses et reconnaissance limitée, ces jeunes médecins se forment tout en assurant la santé des patients les plus vulnérables. Même si la rémunération peut sembler faible, l’expérience acquise et la perspective d’un salaire plus confortable après titularisation motivent Lucas et ses collègues à continuer. Derrière chaque euro perçu se cache une passion pour la médecine, une résilience exceptionnelle et l’espoir qu’un jour, le dévouement sera pleinement reconnu.
