Une ancienne enseignante d’une école sous contrat a récemment découvert que sa pension de retraite s’élève à moins de 1 200 € nets par mois, malgré une carrière complète de 26 ans.
Cette révélation soulève de nombreuses questions parmi les enseignants du privé sous contrat, souvent confrontés à un système de retraite complexe et peu transparent. Entre les règles de la Sécurité sociale, celles de l’Agirc-Arrco, et les particularités du régime additionnel des maîtres du privé, le calcul final peut réserver de véritables surprises financières.
Un écart persistant entre public et privé
Les enseignants du privé sous contrat exercent les mêmes missions que leurs collègues du public : programmes identiques, inspections similaires, exigences pédagogiques équivalentes. Pourtant, leur régime de retraite est radicalement différent. Là où un professeur des écoles fonctionnaire dépend entièrement du Service des retraites de l’État (SRE), son homologue du privé relève principalement du régime général (Cnav) et des complémentaires Agirc-Arrco.
Selon la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), la pension brute mensuelle moyenne d’un professeur des écoles du public était d’environ 2 150 € en 2023, contre seulement 1 300 € pour un enseignant du privé sous contrat ayant une carrière comparable. Cette différence peut dépasser 700 € nets chaque mois, un écart significatif pour la planification financière des enseignants.
Cette situation s’explique en partie par l’absence de statut de fonctionnaire pour les maîtres contractuels et agréés. Bien qu’ils perçoivent un salaire versé par l’État, ils cotisent comme des salariés du secteur privé, ce qui impacte directement le montant de leur retraite future.
Des régimes multiples et un calcul déroutant
Le montant de la retraite d’un enseignant du privé sous contrat résulte de la combinaison de trois régimes distincts :
- Cnav : retraite de base calculée sur les 25 meilleures années.
- Agirc-Arrco : régime complémentaire obligatoire fonctionnant par points.
- Retraite additionnelle des enseignants du privé (RAEP) : créée pour compenser partiellement l’écart avec le public.
Chaque régime applique ses propres règles concernant l’âge légal, le taux plein ou la décote. Pour une carrière commencée avant 1998, certains trimestres peuvent ne pas avoir été validés automatiquement, notamment lors de contrats à temps partiel ou de suppléances, un problème régulièrement signalé par le Syndicat national de l’enseignement chrétien (Snec-CFTC).
Selon les simulations de la Fédération nationale des organismes gestionnaires d’établissements catholiques (Fnogec), un enseignant du privé quittant son poste à 62 ans après 26 ans de carrière perçoit généralement entre 55 % et 60 % de son dernier salaire net. Dans le public, ce taux atteint plutôt 75 % pour une carrière similaire, illustrant l’écart significatif de retraite entre les deux secteurs.
L’effet ciseaux : salaires bloqués et pensions modestes
Pendant plusieurs années, les grilles salariales du privé sous contrat ont évolué plus lentement que celles du public. Les revalorisations mises en place depuis 2020, notamment via la prime d’attractivité, ont d’abord bénéficié aux jeunes titulaires du public. Dans le privé, leur application a parfois pris plus d’un an, retardant les augmentations de salaire.
Cette situation a un impact direct sur les cotisations retraite : des salaires plus faibles signifient des cotisations moins élevées, et donc une pension future plus faible. Pour certains enseignants, le constat est surprenant : au moment du calcul, leur retraite peut être inférieure à celle d’une aide-soignante hospitalière partie à la même âge de départ.
| Statut | Salaire net moyen fin de carrière | Pension nette estimée |
|---|---|---|
| Professeur des écoles public | 2 800 € | ≈ 2 100 € |
| Professeur des écoles privé sous contrat | 2 500 € | ≈ 1 150–1 300 € |
| Aide-soignante catégorie C (fonction publique) | 1 950 € | ≈ 1 250–1 350 € |
L’incompréhension face aux démarches administratives
L’annonce du montant exact de la retraite, une fois le relevé définitif reçu, suscite souvent stupeur et colère. Beaucoup d’enseignants découvrent qu’ils doivent contacter eux-mêmes plusieurs caisses pour harmoniser leurs droits :
- Carsat régionale pour la retraite de base,
- Agirc-Arrco pour la retraite complémentaire,
- Service interrégimes pour la RAEP.
L’administration reconnaît la complexité de ces démarches, qu’elle attribue à l’historique du statut hybride des maîtres sous contrat. Le ministère de l’Éducation nationale indique depuis plusieurs années travailler sur un chantier technique visant à simplifier les parcours assurantiels, mais aucun calendrier précis n’a encore été communiqué.
Des pistes évoquées mais peu concrétisées
L’idée d’un alignement progressif des retraites des enseignants du privé sur celles du public revient régulièrement dans les rapports parlementaires. En 2022, un rapport sénatorial proposait une convergence partielle, par exemple via une bonification spécifique ou un relèvement accéléré des points RAEP. À ce jour, aucune mesure n’a été adoptée.
Certaines associations d’enseignants plaident pour une réforme structurelle, visant à ce que tous les enseignants rémunérés par l’État dépendent du même régime retraite. D’autres estiment que cette uniformisation pourrait fragiliser l’autonomie financière des établissements privés sous contrat, alimentant un débat toujours d’actualité.
Ce que peuvent encore faire les enseignants concernés
Même tardivement, certains leviers permettent d’optimiser sa retraite dans le privé sous contrat :
- Vérifier chaque trimestre validé auprès de la Cnav avant 55 ans pour éviter les omissions liées à des débuts précaires.
- Racheter jusqu’à 12 trimestres manquants grâce au dispositif « versement pour la retraite » (VPLR).
- Souscrire à un Plan Épargne Retraite individuel (PER), avec une déduction fiscale annuelle plafonnée à 10 % des revenus professionnels.
- S’informer auprès du service Retraite Additionnelle de l’Enseignement Privé (RAEP), dont le numéro officiel figure sur tous les bulletins AGIRC-ARRCO depuis 2013.
Ces démarches, certes techniques, touchent à un enjeu collectif majeur : la reconnaissance équitable entre deux corps d’enseignants qui exercent côte à côte, mais dont l’avenir financier peut diverger considérablement au moment où se ferment les portes des classes.
FAQ’s
Quelle est la retraite moyenne d’un enseignant du privé après 26 ans de carrière ?
Après 26 ans dans le privé sous contrat, un enseignant peut percevoir entre 55 % et 60 % de son dernier salaire net, selon les trimestres validés et les régimes complémentaires.
Quels régimes composent la retraite des enseignants privés ?
La retraite des enseignants privés combine trois régimes : Cnav (retraite de base), Agirc-Arrco (complémentaire obligatoire) et RAEP (Retraite Additionnelle de l’Enseignement Privé).
Pourquoi la retraite des enseignants du privé est-elle inférieure à celle du public ?
Les enseignants du privé cotisent comme des salariés du secteur privé, même s’ils sont rémunérés par l’État. Leurs salaires et cotisations plus faibles entraînent une pension inférieure à celle des fonctionnaires.
Comment vérifier que tous mes trimestres sont comptabilisés ?
Il est recommandé de vérifier chaque trimestre validé auprès de la Cnav avant 55 ans pour éviter les omissions liées aux débuts précaires ou aux suppléances.
Peut-on racheter des trimestres manquants ?
Oui, jusqu’à 12 trimestres peuvent être rachetés via le dispositif Versement pour la Retraite (VPLR) pour augmenter le montant final de la pension.
Quel est le rôle de la RAEP ?
La RAEP vise à compenser partiellement l’écart entre la retraite des enseignants du privé et celle des fonctionnaires du public.
À quel âge peut-on partir à la retraite dans le privé ?
L’âge légal dépend du régime de base et des régimes complémentaires, mais une carrière complète peut permettre un départ autour de 62 ans avec taux plein selon les droits acquis.
Conclusion
La retraite des enseignants du privé sous contrat reste un sujet complexe, entre Cnav, Agirc-Arrco et RAEP, avec des règles souvent méconnues et des écarts significatifs par rapport au public. Après 26 ans de carrière, il est essentiel de vérifier ses trimestres, de simuler sa pension et d’envisager des solutions complémentaires comme le PER ou le rachat de trimestres pour sécuriser son futur financier.
