Dans une petite école communale du sud de la France, une cantinière prend la parole pour dénoncer le comportement de certains enfants issus d’établissements Montessori. Son exaspération dépasse la simple cantine : elle pointe du doigt les dérives possibles de cette pédagogie réputée alternative.
Christine*, 58 ans, travaille depuis plus de vingt ans dans une cantine scolaire municipale. Jamais elle n’avait osé s’exprimer publiquement. Mais ce jour-là, face à une assiette de purée renversée au sol, elle a craqué. « On fabrique des enfants rois. Franchement, je n’en peux plus », confie-t-elle, encore vêtue de sa blouse blanche tachée de sauce tomate, après un service mouvementé.
Quand la liberté devient prétexte à tout permettre
L’argument de Christine peut sembler abrupt, voire caricatural. Pourtant, sur le terrain, elle n’est pas la seule à constater une évolution dans le comportement des élèves passés par des classes inspirées de la pédagogie Montessori. Selon elle, ces enfants affichent des attitudes moins conciliantes et beaucoup plus exigeantes.
« Un petit de moyenne section a refusé de manger ses haricots sous prétexte qu’il n’avait pas choisi le menu. Il m’a dit que dans son école, on faisait ce qu’on voulait », raconte-t-elle.
Ce type de scène, Christine affirme en être témoin presque chaque jour depuis trois ans. « Avant, un simple ‘non’ suffisait. Aujourd’hui, il faut négocier avec des gamins de 4 ans. Ils veulent tout décider, jusqu’à leur place à table. »
Montessori mal compris, mal appliqué ?
Le problème ne viendrait pas tant de la pédagogie Montessori elle-même que de son application parfois approximative. En théorie, cette méthode repose sur l’autonomie de l’enfant, mais toujours dans un cadre structuré et réfléchi. Les enseignants, formés spécifiquement, sont censés poser des limites claires et cohérentes. Dans la pratique, pourtant, tous les établissements n’affichent pas le même niveau d’exigence ni la même rigueur pédagogique.
Une enquête menée en 2024 par l’association Éduquer Autrement auprès de 152 enseignants formés à Montessori met en lumière plusieurs dérives :
- 45 % estiment que certains collègues « improvisent » des activités sans réellement maîtriser les fondements de la méthode.
- 28 % pointent un manque de contrôle ou d’évaluation sérieuse dans l’application des principes.
- 62 % considèrent que de nombreux parents interprètent Montessori comme une liberté totale laissée à l’enfant.
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Une distance croissante entre familles et réalité du terrain
Le témoignage de Christine met aussi en lumière une autre fracture : celle qui oppose les ambitions éducatives des parents aux réalités du quotidien. Lorsqu’un enfant grandit dans un univers où ses désirs dictent l’organisation familiale, l’affrontement avec des environnements moins flexibles peut rapidement tourner au choc et à la frustration. Cantine, garderie, sorties scolaires… autant de moments ordinaires où cette tension se manifeste avec force.
Sur TikTok, l’influenceuse Jessica French Riviera, suivie par plus de 180 000 abonnés, a fait de cette critique un véritable terrain de jeu. Elle a lancé une méthode parodique baptisée « Ghettossori », conçue en opposition directe à l’approche Montessori :
« Les enfants d’aujourd’hui ont besoin de confrontation avec la réalité. Dans ma méthode, on apprend à entendre un non, à essuyer un refus. C’est ça, la vraie vie. »
Une partie de son audience, composée en majorité de mères issues de milieux modestes, s’est reconnue dans ce discours. Si bien qu’une association est en cours de création pour réclamer davantage de contrôle sur les écoles appliquant des pédagogies alternatives.
Une transition scolaire souvent problématique
La liberté prônée par la pédagogie Montessori peut devenir un frein lors du passage en école traditionnelle. C’est souvent à ce moment précis que les difficultés d’adaptation sociale apparaissent au grand jour. Un rapport interne de l’Inspection Générale de l’Éducation, publié en janvier 2025, révèle que :
| Indicateur observé | Enfants venus du système Montessori | Enfants issus de l’école classique |
|---|---|---|
| Capacité d’attention supérieure à 20 min | 38% | 56% |
| Respect des consignes collectives | 41% | 67% |
| Adaptation à un emploi du temps rigide | 35% | 61% |
Ces chiffres ne remettent pas en cause la pertinence de la pédagogie Montessori lorsqu’elle est appliquée dans un cadre structuré et cohérent. En revanche, ils soulèvent une question majeure : les pratiques dérivées de cette méthode sont-elles réellement capables de préparer les enfants aux exigences sociales et scolaires d’un cadre commun ?
Une vision élitiste de l’éducation ?
Dans le sillage de la contestation, une critique revient avec insistance : la pédagogie Montessori serait réservée à une élite capable de supporter son coût. Avec des frais annuels pouvant atteindre entre 4 000 et 9 000 euros dans certaines écoles privées, l’égalité d’accès reste une illusion pour de nombreuses familles.
Un parent, membre du collectif « Réalistes Parents », résume ce sentiment partagé :
« C’est une pédagogie pensée pour des enfants qui n’ont jamais connu le besoin. Elle ne s’adapte pas à toutes les réalités, et on vous fait culpabiliser si vous n’y adhérez pas. »
Vers un nouveau débat sur la pédagogie ?
Le cri de cœur de Christine met en lumière un débat de fond : quel doit être le rôle de l’école et des adultes dans la construction des repères de l’enfant ? Devenue un catalyseur des tensions entre différents modèles éducatifs, la pédagogie Montessori s’est transformée, parfois malgré elle, en symbole d’une époque où l’enfant est érigé en « roi »… mais reste bien souvent désarmé face à la moindre contradiction.
FAQ
Pourquoi une cantinière critique-t-elle la pédagogie Montessori ?
Elle observe un changement de comportement chez certains élèves issus d’écoles Montessori : plus exigeants, moins conciliants et difficiles à gérer dans un cadre collectif comme la cantine.
Que signifie l’expression « fabriquer des enfants rois » ?
Elle désigne des enfants qui grandissent avec une forte autonomie mais sans limites claires, développant une tendance à vouloir tout décider et à refuser la frustration.
La pédagogie Montessori est-elle responsable de ces comportements ?
Pas directement. Les spécialistes soulignent que le problème vient souvent d’une application incomplète ou mal comprise de la méthode, plutôt que de ses principes fondateurs.
Quelles dérives de Montessori sont souvent pointées du doigt ?
Manque de cadre, absence de limites claires, improvisation d’enseignants peu formés et interprétation trop permissive par certains parents.
Les écoles Montessori coûtent-elles cher ?
Oui, dans le privé, les frais peuvent aller de 4 000 à 9 000 euros par an, ce qui alimente les critiques sur le caractère élitiste de cette pédagogie.
Pourquoi certains parents défendent-ils malgré tout Montessori ?
Parce qu’ils estiment que cette pédagogie développe l’autonomie, la créativité et la confiance en soi de l’enfant, avec de bons résultats scolaires et personnels à long terme.
Quels sont les principaux malentendus autour de Montessori ?
Beaucoup pensent qu’il s’agit d’une « liberté totale » accordée à l’enfant, alors que la méthode repose en réalité sur un cadre structuré et encadré par l’adulte.
Conclusion
L’affaire Christine illustre bien plus qu’un simple coup de colère en cantine scolaire : elle révèle les tensions grandissantes autour de la pédagogie Montessori. Pensée comme une méthode innovante favorisant l’autonomie de l’enfant, elle est aujourd’hui accusée, lorsqu’elle est mal appliquée, de fabriquer des « enfants rois » peu préparés aux contraintes collectives. Derrière ce débat, une question de fond demeure : comment concilier liberté éducative et cadre structurant, afin de préparer les enfants non seulement à s’épanouir individuellement, mais aussi à trouver leur place dans une société faite de règles, de limites et de contradictions ?
