Selon une enquête nationale récente, 52 % des enseignants du primaire se déclarent opposés à la généralisation des cours en plein air, malgré leur popularité croissante auprès des familles.
Alors que la classe en plein air suscite de plus en plus d’attention dans les débats éducatifs, elle peine à convaincre les principaux concernés : les enseignants. Entre objectifs pédagogiques ambitieux et contraintes logistiques, cette pratique révèle une véritable fracture au sein de l’école républicaine.
Une pratique soutenue par le ministère mais mal acceptée dans les écoles
Depuis 2020, l’initiative de l’école dehors, portée par plusieurs circulaires du ministère de l’Éducation nationale et soutenue par l’Office français de la biodiversité (OFB), devait marquer un renouveau pédagogique post-confinement. Son objectif : reconnecter les enfants à la nature et stimuler leur attention différemment. Pourtant, sur le terrain, un enseignant sur deux perçoit cette démarche comme une injunction déconnectée des réalités scolaires.
Selon le baromètre 2024 du syndicat SNUipp-FSU, 48 % des professeurs jugent cette approche trop ludique et peu compatible avec les programmes scolaires. Le même sondage indique que seulement 18 % des écoles publiques organisent régulièrement des séances en plein air.
Les rectorats confirment que l’expérimentation reste marginale : moins d’une école sur cinq bénéficie d’un accompagnement officiel pour ce type d’enseignement. De nombreuses équipes pédagogiques évoquent le manque de formation et les risques en cas d’accident comme principaux freins à sa généralisation.
Des bénéfices mesurés mais difficiles à généraliser
Les partisans de la classe dehors soulignent de nombreux effets positifs : amélioration de la concentration, meilleure cohésion de groupe, réduction du stress et enrichissement du vocabulaire sensoriel. Ces observations s’appuient notamment sur des études réalisées par l’Université Paris-Est Créteil (UPEC) entre 2021 et 2023, portant sur un panel de 600 élèves.
Les chercheurs constatent une amélioration moyenne de 12 % des résultats en sciences naturelles et en expression orale après six mois de pratique hebdomadaire. Cependant, ces résultats dépendent fortement du contexte local : écoles rurales disposant de grands espaces verts, équipes pédagogiques volontaires, effectifs réduits… Autant de conditions rarement réunies dans les zones urbaines denses.
Un fossé entre intentions écologiques et contraintes administratives
L’école dehors s’inscrit dans un mouvement plus large : les politiques publiques en faveur de la transition écologique. Depuis la loi Climat et Résilience de 2021, l’Éducation nationale a intégré cette démarche à ses objectifs officiels. Pourtant, sur le terrain, chaque sortie nécessite autorisation parentale, vérification de l’assurance collective et transport sécurisé — autant d’étapes chronophages qui freinent les enseignants.
- Temps moyen de préparation administrative pour une séance extérieure : 3 heures
- Coût moyen par élève : 5 à 15 euros selon le lieu
- Taux moyen d’annulation pour raisons météorologiques : 27 %
Les syndicats dénoncent une “bureaucratie paradoxale”, où la volonté institutionnelle se heurte à ses propres procédures. Plusieurs directeurs déclarent devoir annuler des sorties faute d’autorisations reçues à temps ou par crainte d’engager leur responsabilité personnelle.
Des familles séduites face à des enseignants prudents
Du côté des parents, la perception est très différente. Selon un sondage IFOP commandé par France Bleu en février dernier, 68 % des familles estiment souhaitable que leurs enfants apprennent davantage en extérieur, y voyant un antidote à l’hyperconnexion numérique. Des associations comme Colibris Éducation ou Le Réseau École & Nature multiplient formations et guides pratiques pour soutenir ce mouvement citoyen.
Pourtant, derrière cet engouement se cache une tension silencieuse : celle entre les attentes familiales et les exigences pédagogiques. Certains enseignants dénoncent la pression implicite des parents, qui souhaitent “du vert” sans mesurer l’impact sur les **apprentissages fondamentaux”. D’autres refusent que leur rôle se réduise à de simples animations nature.
L’exemple contrasté des territoires pilotes
Plusieurs académies expérimentent avec succès le modèle hybride de l’école dehors. En Bretagne, le dispositif “École buissonnière”, soutenu par la DREAL, a permis à une trentaine d’établissements ruraux de bénéficier d’un encadrement spécifique et d’un kit matériel subventionné (tentes pédagogiques, ponchos collectifs). Le taux de satisfaction parmi les enseignants participants atteint 84 %, soulignant l’efficacité de cette approche encadrée.
| Académie | % d’écoles impliquées | Soutien financier public (€/an) |
|---|---|---|
| Bretagne | 22 % | 2500 € |
| Nancy-Metz | 11 % | 1800 € |
| Ile-de-France | 6 % | 1200 € |
| PACA | 9 % | 1500 € |
Ailleurs, notamment dans les zones urbaines prioritaires (REP+), l’absence d’espaces naturels accessibles limite fortement la mise en œuvre concrète de l’école dehors. Certaines municipalités expérimentent alors des alternatives, comme des cours végétalisées ou des jardins pédagogiques partagés, en partenariat avec des associations locales.
L’école dehors face aux priorités scolaires traditionnelles
L’injonction au retour aux fondamentaux, relancée par Gabriel Attal lorsqu’il était ministre, a ravivé le clivage autour de l’école dehors. Comment concilier apprentissage rigoureux du français et expérimentation sensorielle ? Cette question divise profondément les conseils pédagogiques. Pour de nombreux enseignants, tant que l’école dehors restera perçue comme une activité périphérique plutôt que comme un mode d’enseignement durable, elle demeurera cantonnée aux marges du système éducatif français.
Certaines collectivités envisagent déjà un cadre légal plus clair dès la rentrée prochaine afin de sécuriser ces pratiques : formations spécifiques au CAPES, référent national “éducation nature”, mutualisation régionale des ressources matérielles. Des mesures attendues pour faire passer ce concept du simple effet de mode à un outil pédagogique reconnu et pérenne.
FAQ’s
Qu’est-ce que l’école en plein air ?
L’école en plein air consiste à organiser des cours à l’extérieur pour favoriser l’apprentissage en contact avec la nature, stimuler l’attention et développer des compétences sociales et sensorielles.
Pourquoi certains enseignants trouvent-ils l’école dehors trop enfantine ?
Selon les sondages, près de 50 % des enseignants estiment que cette pratique est trop ludique et peu compatible avec les programmes officiels, la percevant comme une activité annexe plutôt qu’un vrai outil pédagogique.
Quels sont les bénéfices de l’école en plein air ?
Elle améliore la concentration, renforce la cohésion de groupe, réduit le stress et enrichit le vocabulaire sensoriel des élèves, selon plusieurs études menées entre 2021 et 2023.
Pourquoi l’adoption de l’école en plein air reste-t-elle limitée ?
Les obstacles incluent le manque d’espaces verts, les contraintes logistiques, les préparations administratives lourdes et la peur des accidents.
Quels chiffres montrent l’impact sur les résultats scolaires ?
Les recherches montrent une amélioration moyenne de 12 % en sciences naturelles et en expression orale après six mois de pratique hebdomadaire, mais ces résultats dépendent du contexte local (espaces verts, effectifs réduits, équipe volontaire).
Comment les parents perçoivent-ils l’école en plein air ?
Selon un sondage IFOP, 68 % des familles souhaitent que leurs enfants passent plus de temps à apprendre dehors, y voyant un antidote à l’hyperconnexion numérique.
Quels dispositifs expérimentent l’école dehors avec succès ?
Des programmes comme “École buissonnière” en Bretagne offrent un encadrement spécifique, un kit matériel subventionné et atteignent un taux de satisfaction de 84 % parmi les enseignants participants.
Conclusion
En dépit de son succès auprès des familles et des résultats prometteurs observés dans certaines académies, l’école en plein air reste un sujet de débat parmi les enseignants. La moitié d’entre eux la considère encore trop enfantine, confrontée à des contraintes logistiques, administratives et pédagogiques.
