Depuis plusieurs mois, un nouveau terme fait parler de lui dans le paysage éducatif français : « Ghettossori ». Résultat d’une contraction audacieuse entre « ghetto » et « Montessori », ce mot reflète le malaise grandissant de nombreux parents face aux exigences de la parentalité moderne.
Derrière l’humour acerbe des réseaux sociaux se dessine une véritable réaction collective contre la pression éducative véhiculée par la pédagogie Montessori.
Origine d’un terme viral et provocateur
La tendance « Ghettossori » a fait son apparition en décembre 2024 sur TikTok, portée par une créatrice niçoise de 34 ans. Réputée pour ses vidéos satiriques, elle rassemble plus de 180 000 abonnés et cumule des millions de vues. Son objectif : déculpabiliser les parents.
« On peut s’énerver, on peut craquer, et rester de bons parents », affirme-t-elle dans l’une de ses vidéos les plus vues. Ce message, loin d’être isolé, trouve un écho chez des milliers de mères – et quelques pères – qui se reconnaissent dans cette représentation authentique et parfois imparfaite de la parentalité.
Rejet des idéaux éducatifs jugés inaccessibles
Montessori sous le feu des critiques
La pédagogie Montessori, réputée pour respecter le rythme de l’enfant, est souvent perçue comme un idéal difficile à atteindre : matériel coûteux, environnement ultra-maîtrisé, disponibilité parentale constante. Pour les familles aux emplois du temps serrés ou confrontées à une charge mentale élevée, ces exigences peuvent paraître éloignées de la réalité.
Le mouvement Ghettossori propose un contre-modèle ironique : reconnaître qu’on peut parfois élever la voix, abandonner certaines activités éducatives au profit d’une tablette, ou servir des céréales au dîner. Des gestes simples, selon ses adeptes, mais considérés comme déviants dans le cadre strict de la parentalité positive puriste.
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Des pratiques revendiquées à l’écart des normes
Voici quelques situations régulièrement partagées par les parents « Ghettossori » sur les réseaux sociaux :
- Laisser l’enfant gérer seul sa frustration sans accompagnement constant
- Ne pas masquer sa fatigue ou son agacement devant lui
- Privilégier des repas rapides et peu équilibrés faute de temps
- Mettre de côté les rituels éducatifs lorsque l’énergie ou le moral font défaut
Pour certains, ces pratiques relèvent du bon sens, tandis que pour d’autres, elles franchissent une ligne rouge.
La critique des violences éducatives ordinaires
Des alertes sérieuses d’associations
Face à cette atmosphère désinvolte, plusieurs spécialistes de l’enfance tirent la sonnette d’alarme. Sur RTL, des psychologues soulignent que certains comportements banalisés dans les vidéos Ghettossori relèvent de la violence éducative ordinaire.
Cris, humiliations, menaces verbales à peine masquées : autant d’attitudes en contradiction avec les évolutions juridiques récentes. Depuis la loi du 10 juillet 2019, ces violences sont strictement interdites, même dans le cadre familial.
Montessori défendue par ses adeptes
La présidente de l’Association Montessori de France, Nadia Hamidi, déplore l’amalgame : « Il n’existe pas de maman Montessori ou de papa Montessori. C’est une pédagogie structurée, pas une mode ou une étiquette personnelle ». Selon elle, le mouvement Ghettossori caricature l’approche au risque de détourner son message fondamental : autonomie, respect et encadrement.
Elle rappelle que Montessori impose des règles claires, loin de l’image permissive que ses détracteurs peuvent véhiculer.
Un collectif en ligne pour donner corps au malaise
Au-delà des mèmes et des pastiches circulant sur TikTok ou Instagram, une véritable communauté s’est formée autour du sentiment d’exclusion parentale. Sur Discord, le serveur « Réalistes Parents » rassemble déjà plusieurs centaines de membres. Parents solos, familles nombreuses, travailleurs aux horaires décalés s’y retrouvent pour dénoncer ce qu’ils appellent les « injonctions bienveillantes ».
Voici un aperçu des principales thématiques discutées au sein de ce collectif :
| Thème | Problèmes soulevés | Exemples concrets |
|---|---|---|
| Temps parental | Manque de disponibilité pour appliquer les méthodes éducatives « positives » | Pas le temps de préparer des activités Montessori chaque soir |
| Budget éducatif | Coût du matériel ou des écoles alternatives | Jeux en bois hors de prix, école Montessori non financée |
| Pression sociale | Jugement sur les pratiques classiques ou spontanées | Critiquée pour avoir laissé son enfant pleurer |
Une fracture éducative révélée
La montée du phénomène Ghettossori révèle une véritable fracture culturelle autour de la parentalité. Entre les partisans d’une éducation bienveillante stricte et ceux qui peinent à s’y conformer, le fossé se creuse. Ce mouvement met en lumière plusieurs points clés :
- Un rejet croissant des injonctions parentales normatives
- Des limites économiques et logistiques à l’application de certaines méthodes
- Un besoin collectif d’un espace de parole sans jugement
De nombreux membres du collectif insistent : ils ne rejettent pas l’idée d’élever leurs enfants avec respect, mais refusent une idéologie perçue comme moralisatrice et inaccessible.
Un débat social plus large en arrière-plan
Le terme « Ghettossori » cristallise un malaise social : celui des familles populaires ou simplement épuisées, confrontées à une parentalité parfois idéalisée. Pour certains experts, cette fronde parentale ne doit pas être rejetée, mais entendue comme un signal d’alerte sur la pression psychologique pesant sur les parents modernes.
Des voix comme celle de la sociologue Aurélie Boussard dans Le Point invitent à repenser la parentalité comme un compromis entre idéaux éducatifs et réalité quotidienne, au-delà du dogme ou du renoncement.
Si le terme amuse, il soulève des questions sérieuses sur notre rapport collectif à l’enfance, aux normes éducatives et à l’épuisement parental.
FAQ
Qu’est-ce que la méthode Montessori ?
La méthode Montessori est une approche éducative centrée sur le respect du rythme de l’enfant, l’autonomie et l’apprentissage par le jeu et l’expérimentation.
Que signifie le terme « Ghettosorri » ?
Ghettosorri est un néologisme combinant « ghetto » et « Montessori », utilisé par certaines mamans pour critiquer les exigences perçues comme trop strictes ou idéalisées de cette pédagogie.
Pourquoi un collectif de mamans critique-t-il la méthode Montessori ?
Ces mamans dénoncent la pression éducative, le matériel coûteux et la disponibilité parentale constante que certaines familles trouvent difficiles à suivre.
Le mouvement Ghettosorri est-il sérieux ou humoristique ?
Il mélange humour et critique sociale, mais reflète un vrai malaise parental face aux injonctions éducatives normatives.
Quels comportements sont critiqués par le mouvement Ghettosorri ?
Parmi eux : élever la voix, laisser l’enfant devant une tablette, servir des repas rapides, ou omettre certains rituels éducatifs jugés essentiels dans la parentalité positive stricte.
Montessori est-elle incompatible avec la vie familiale moderne ?
Non. La pédagogie Montessori reste adaptable, mais certains parents trouvent difficile de suivre tous les standards et recommandations stricts, d’où le sentiment de frustration.
Les experts condamnent-ils le mouvement Ghettosorri ?
Des psychologues alertent sur la banalisation de certaines pratiques, mais beaucoup considèrent cette critique comme un signal d’alerte légitime sur la pression psychologique sur les parents.
Conclusion
Le phénomène Ghettosorri met en lumière les tensions autour de la parentalité moderne. Si la méthode Montessori reste un cadre éducatif reconnu pour son respect du rythme de l’enfant et sa promotion de l’autonomie, elle peut aussi générer un sentiment d’inaccessibilité pour certaines familles.
