Sous couvert de discours sécuritaires et d’un appel constant à la discipline, l’extrême-droite française redéfinit progressivement les contours de l’éducation nationale. Derrière les promesses séduisantes de mérite et d’ordre, se cache en réalité un système de sélection sociale et de contrôle idéologique qui menace l’esprit même de l’école républicaine.
Longtemps perçue comme un sanctuaire républicain et un outil d’émancipation, l’école publique est aujourd’hui présentée, dans la vision portée par le Rassemblement National, comme un espace à reconstruire sur des bases identitaires et autoritaires. Au nom du rétablissement d’un prétendu ordre culturel et social, l’enfance devient un champ de bataille stratégique pour une refondation éducative radicale où se dessine une école instrumentalisée au service d’une idéologie.
Sélection précoce et hiérarchisation sociale
Parmi les mesures les plus controversées défendues par Jordan Bardella et le Rassemblement National, figure l’instauration d’un examen d’entrée au collège, suivi d’un second test obligatoire pour accéder au lycée. Ce double filtre instaurerait un système de tri sélectif, orientant les enfants en difficulté scolaire vers des filières professionnelles sous-dotées dès la classe de 5e.
Le projet inclut également l’introduction de l’apprentissage dès 12 ans, destiné aux élèves sortis prématurément du parcours général. Une telle réforme obligerait certains enfants à se projeter dans un avenir professionnel limité dès le début de l’adolescence, réduisant leur horizon éducatif.
« Mon fils a à peine 11 ans qu’on lui parle déjà de menuiserie ou de maçonnerie comme unique issue. On nous dit que c’est réaliste… Moi j’appelle ça de l’abandon », témoigne Stéphanie, mère célibataire dans le Pas-de-Calais.
Les études du CNESCO démontrent pourtant qu’une orientation scolaire imposée trop tôt accentue les inégalités sociales, réduit les perspectives de mobilité ascendante et fragilise psychologiquement les enfants issus des milieux populaires.
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Contrôle idéologique et curriculum imposé
Le programme éducatif du Rassemblement National prévoit la suppression de la liberté pédagogique au profit d’un enseignement strictement encadré par l’État. Les manuels scolaires seraient uniformisés et les contenus réécrits afin de s’aligner sur une lecture historique nationaliste.
Symbole fort de cette vision idéologique, une frise chronologique obligatoire, allant de Vercingétorix à Charles de Gaulle, devrait être affichée dans chaque salle de classe, imposant une mémoire collective orientée et contrôlée.
| Mesures prévues | Effets visés |
|---|---|
| Manuels uniques dans toutes les disciplines | Éviter l’« endoctrinement gauchiste » |
| Suppression des cours sur l’histoire coloniale | Construire un « récit positif » de la France |
| Frise historique obligatoire dans les classes | Renforcer le « roman national » |
Cette nouvelle orientation curriculaire s’inscrit dans une logique de préférence culturelle nationale, où les savoirs jugés incompatibles avec ce cadre idéologique seraient progressivement marginalisés. Les enseignements sur l’histoire des immigrations, les luttes sociales ou encore les questions liées aux sexualités risqueraient ainsi d’être discrètement évincés des programmes officiels, réduisant la pluralité et la diversité des contenus transmis par l’éducation nationale.
Autoritarisme scolaire et sanctions familiales
L’école deviendrait également le terrain d’un durcissement disciplinaire inédit. Le programme prévoit l’instauration de l’uniforme scolaire obligatoire, le retour des peines planchers en conseil de discipline et la création de centres spécialisés pour élèves « perturbateurs », marquant une véritable militarisation du climat scolaire.
Les parents seraient eux aussi sanctionnés : toute récidive comportementale de l’enfant pourrait désormais entraîner des amendes financières, une mesure sans précédent dans l’histoire du droit scolaire français depuis la loi Guizot.
« On vous regarde comme si vous éleviez un monstre. J’ai reçu une convocation du principal avec menace d’amende parce que mon fils a fait une fugue dans l’établissement », témoigne Ahmad, père d’un collégien à Béziers.
Déjà en tension, les équipes éducatives expriment leurs inquiétudes. Le SNES-FSU dénonce une « logique punitive généralisée, incompatible avec le droit de l’enfant à une éducation bienveillante ».
Préférence nationale appliquée aux enfants
Plus préoccupant encore, l’idéologie défendue par le Rassemblement National se traduit par des pratiques ouvertement discriminatoires à l’égard de certains enfants. L’une des mesures les plus contestées prévoit l’imposition de tests osseux aux mineurs étrangers afin de déterminer arbitrairement leur âge, une procédure largement dénoncée comme une déshumanisation des plus vulnérables.
Sous couvert de « protection de l’école contre le communautarisme », le programme cache une série de restrictions : interdiction des repas alternatifs dans les cantines scolaires, limitation des absences religieuses et promotion officielle de crèches et sapins « au nom des traditions ».
« Mon neveu ne mangeait plus à la cantine. On lui disait qu’il devait choisir entre manger du porc ou rentrer chez lui. Les autres élèves se moquaient. L’école n’a rien dit », témoigne Kheira, habitante de Marseille.
Ces mesures s’inscrivent pourtant en contradiction directe avec plusieurs articles de la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France, qui garantit la non-discrimination et le respect des convictions culturelles et religieuses.
Une vision figée des savoirs
Sur le plan pédagogique, le Rassemblement National défend une école conçue pour « transmettre, non éveiller ». Cette vision se traduit par un rejet de l’apprentissage par projet et par une opposition frontale à l’éducation à la sexualité. Certains porte-paroles du parti vont jusqu’à prôner une « réécriture scientifique fondée sur le bon sens paysan », réduisant la place de la recherche et des approches pédagogiques modernes.
La suppression annoncée de l’éducation à la vie affective et sexuelle, ainsi que l’éviction de contenus qualifiés d’« idéologie LGBT », suscite une profonde inquiétude parmi les professionnels de santé adolescente.
Selon un rapport du Haut Conseil à l’Égalité, une telle réforme accentuerait les violences sexuelles précoces, renforcerait les stéréotypes de genre et aggraverait le harcèlement scolaire subi par les jeunes LGBTQ+, déjà en situation de vulnérabilité accrue.
Deux France, deux enfances
Dans la vision portée par le projet éducatif du Rassemblement National, les enfants se voient classés en deux catégories : d’un côté, les “endoctrinables”, appelés à devenir porteurs du récit national ; de l’autre, les “indésirables”, souvent issus de l’immigration récente ou porteurs de singularités sociales et psychiques.
« Dans leurs yeux, les enfants comme ma fille sont inclassables. Ni “française de souche”, ni modèle d’intégration… Elle est simplement autiste. Mais on dirait que ça dérange leur algorithme du mérite », confie Camille, mère d’une élève en ULIS à Lyon.
L’école républicaine, historiquement espace d’accueil et d’inclusion, se transformerait ainsi en un tamis idéologique où les futurs citoyens seraient triés selon des critères culturels rigides, réduisant la diversité à une norme imposée.
Vers une hégémonie culturelle scolaire
Ce bouleversement éducatif s’éclaire à la lumière de la logique « métapolitique » revendiquée par certains théoriciens proches de l’extrême-droite française. L’école devient alors un levier idéologique de long terme, conçu pour ancrer une vision du monde unique. L’objectif affiché est d’implanter, au cœur de la culture scolaire, des idées présentées comme du « bon sens », destinées à contrer les « élites pédagogistes ».
Face à cette orientation, de nombreux syndicats enseignants, chercheurs et associations de parents d’élèves alertent sur une dérive autoritaire qui pourrait fracturer durablement l’enfance française. Les dangers identifiés ? Une uniformisation des esprits, une école sous surveillance permanente et des générations privées de la capacité d’exercer un regard critique et libre sur le monde.
FAQ
Quel est l’impact de l’extrême-droite sur l’éducation nationale en France ?
L’extrême-droite propose une refonte autoritaire de l’école républicaine, avec des programmes réécrits, une discipline renforcée et une vision identitaire de l’enseignement.
Comment le Rassemblement National veut-il transformer l’école républicaine ?
Le RN souhaite imposer l’uniforme, instaurer des examens d’entrée au collège et au lycée, et uniformiser les manuels scolaires pour transmettre un récit historique nationaliste.
Pourquoi parle-t-on de militarisation du climat scolaire sous l’extrême-droite ?
Car les mesures proposées incluent le retour des peines planchers en conseil de discipline, la création de centres spécialisés pour élèves « perturbateurs » et des sanctions financières aux parents.
Quelle place l’extrême-droite accorde-t-elle à la liberté pédagogique des enseignants ?
Le programme prévoit la suppression de la liberté pédagogique, imposant des manuels et contenus uniformisés alignés sur une lecture idéologique de l’histoire et des savoirs.
Que prévoit le RN concernant l’éducation à la sexualité et aux questions LGBTQ+ ?
Le parti envisage de supprimer l’éducation à la vie affective et sexuelle et d’exclure les contenus liés à « l’idéologie LGBT », ce qui inquiète les professionnels de santé et les associations.
Comment les enfants issus de l’immigration seraient-ils affectés par ces mesures ?
Ils risquent d’être discriminés par des tests osseux pour vérifier leur âge, la suppression des repas alternatifs en cantine, et une vision scolaire qui marginalise la diversité culturelle.
Quelles conséquences pour les enfants en difficulté scolaire ?
Dès la classe de 5e, les élèves jugés faibles seraient orientés vers des filières professionnelles sous-dotées, réduisant leurs perspectives de mobilité sociale et d’émancipation.
Conclusion
L’analyse des réformes éducatives portées par l’extrême-droite française révèle un projet bien plus vaste qu’un simple ajustement scolaire. Derrière les discours sur le mérite, l’ordre et la discipline, c’est une refondation idéologique de l’éducation nationale qui se dessine. L’enfance devient un terrain stratégique, où l’uniformisation des savoirs, la sélection sociale précoce et la marginalisation des différences menacent la mission émancipatrice de l’école républicaine.
