La parentalité met parfois à rude épreuve la patience des parents. Entre fatigue, stress et frustrations accumulées, il arrive que surgissent des élans de colère inattendus. Mais que faire lorsque l’envie de frapper son enfant apparaît, malgré soi ?
Personne ne s’y prépare, personne n’en parle ouvertement. Pourtant, cette pensée est plus fréquente qu’on ne l’imagine. De nombreux parents, face à un enfant qui crie, refuse d’obéir ou provoque, ressentent parfois une impulsion violente – l’envie soudaine de taper. Une émotion déroutante, souvent vécue avec honte, mais qui mérite d’être comprise plutôt que refoulée.
Pour éclairer ce sujet sensible, nous avons sollicité l’avis d’Antoine Lejay, psychologue clinicien spécialisé en dynamiques familiales. Son expertise aide à comprendre ce qui se joue dans ces moments de tension extrême, et surtout, à identifier les solutions pour désamorcer la spirale de la colère parentale avant qu’il ne soit trop tard.
Quand la pensée surgit : comprendre le signal
Selon Antoine Lejay, psychologue clinicien, il est crucial de distinguer l’envie de frapper de l’acte lui-même. Ressentir une pulsion violente ne signifie pas lever la main sur son enfant. « Ce sont deux réalités psychiques très différentes. Le passage à l’acte doit évidemment être empêché, mais la pensée en elle-même peut devenir un espace d’analyse », explique-t-il.
Ces pensées, ajoute-t-il, ne surgissent pas sans raison : elles traduisent un système intérieur en surchauffe, où fatigue, stress et accumulation émotionnelle se transforment en signaux d’alerte.
« J’ai reçu en consultation une mère en larmes qui m’a confié : Parfois, j’ai envie de le frapper… Je me déteste de penser ça. Elle était dépassée, pas violente. Ce qu’elle ressentait n’était pas une menace pour son enfant, mais bien un signal d’alerte à écouter », souligne Antoine Lejay.
Ce que traduisent ces impulsions violentes
Antoine Lejay rappelle que les parents qui ressentent ces pulsions ne sont pas des “monstres”. La plupart du temps, il s’agit simplement d’adultes épuisés, sans ressources suffisantes au moment où la tension explose. La pulsion violente n’est pas une fatalité, mais le symptôme d’un déséquilibre intérieur qui peut avoir plusieurs origines :
- Un stress chronique jamais exprimé verbalement,
- Un manque de repos ou un surmenage émotionnel,
- Un modèle éducatif hérité de l’enfance, qui ressurgit inconsciemment,
- Un sentiment d’impuissance profond face à certaines situations parentales.
Identifier ces facteurs est une étape essentielle pour entamer un travail de fond. Mais sur le court terme, lorsque la colère parentale monte brutalement, il est indispensable de disposer d’outils concrets et immédiats pour désamorcer la crise avant qu’elle ne dégénère.
La méthode « STOP », adopter un réflexe de rupture
Le psychologue propose une méthode simple, facile à retenir et largement utilisée en thérapie comportementale pour gérer la colère parentale. Appelée la technique « STOP », elle offre une réponse immédiate et structurée face à l’élan de violence.
| Étape | Description |
|---|---|
| S – STOP | Dire mentalement ou à voix haute « STOP » pour couper l’automatisme émotionnel |
| T – TEMPS MORT | Sortir quelques secondes de la pièce si nécessaire, s’éloigner physiquement du déclencheur |
| O – OBSERVER | Se connecter à ses sensations (tension, chaleur, respiration), nommer ce que l’on ressent |
| P – PACIFIER | Utiliser un geste corporel, une image mentale rassurante ou de l’humour pour diminuer la tension |
Ce que l’enfant capte et apprend de ces instants
Un parent qui crie, s’énerve ou s’éloigne brutalement n’en sort jamais sans conséquence pour l’enfant. En revanche, un parent qui réussit à se réguler sous ses yeux transmet un message essentiel : les émotions peuvent être contenues et maîtrisées.
« Ce qui construit un enfant, ce n’est pas uniquement le calme des adultes, mais leur lutte visible pour le rester. C’est cela, la véritable transmission émotionnelle », souligne Antoine Lejay.
Et d’ajouter : « L’enfant n’a pas besoin d’un parent parfait. Il a besoin d’un adulte qui affronte ses tempêtes avec des rames, pas avec des gifles. »
Quand et pourquoi se faire aider
Reconnaître une limite intérieure, c’est aussi savoir solliciter de l’aide. De nombreux territoires proposent des groupes de parole pour parents : maisons des familles, PMI, associations locales offrent souvent des espaces d’écoute gratuits. Une consultation chez un psychologue, même ponctuelle, peut agir comme un miroir salvateur et permettre de déminer une situation avant qu’elle n’empire.
Pulsion vs violence — une distinction essentielle
Antoine Lejay distingue deux réalités : la pulsion passagère — signe d’un adulte en souffrance — et la violence répétée et assumée, qui relève d’une autre dynamique et nécessite une prise en charge différente.
« Un parent qui éprouve une pulsion reste un parent humain. Celui qui la répète sans jamais se remettre en question bascule dans la violence », précise-t-il.
Ce que cela révèle chez l’adulte
Admettre avoir déjà eu l’envie de frapper ne fait pas de quelqu’un une menace : cela indique qu’il est au bord. Ce bord doit être exploré, accompagné et travaillé. La prévention commence par la parole et par des espaces d’écoute sans jugement. Dire qu’on a ressenti cette envie — dire sans passer à l’acte — peut être le premier pas pour la faire disparaître. C’est toute la nuance de notre humanité.
FAQ
Est-ce normal d’avoir parfois envie de frapper son enfant ?
Oui, beaucoup de parents ressentent ces pulsions dans des moments de fatigue ou de stress. Cela ne signifie pas que vous êtes violent, mais que vous êtes en surcharge émotionnelle.
Quelle est la différence entre penser à frapper et passer à l’acte ?
L’envie est une pulsion, souvent passagère. Le passage à l’acte est un comportement violent. Le psychologue rappelle que l’essentiel est de contenir l’impulsion et de l’analyser.
Pourquoi ai-je ces pensées alors que j’aime mon enfant ?
Ces pulsions ne sont pas liées à un manque d’amour, mais à un trop-plein : fatigue, stress, sentiment d’impuissance ou modèle éducatif reçu dans l’enfance.
Que faire immédiatement quand l’envie de frapper monte ?
Respirez profondément, éloignez-vous quelques secondes, buvez un verre d’eau ou appliquez la méthode STOP (Stop – Temps mort – Observer – Projeter).
Est-ce dangereux pour mon enfant si je crie au lieu de frapper ?
Oui, crier régulièrement peut aussi marquer un enfant. Mais montrer votre effort à vous calmer est une leçon éducative précieuse : les émotions peuvent être contenues.
Dois-je en parler à quelqu’un ?
Absolument. Confier ces pensées à un proche, un groupe de parole ou un professionnel permet de briser l’isolement et d’éviter que la pulsion ne s’installe.
Un parent qui a des pulsions est-il un mauvais parent ?
Non. Ressentir une pulsion fait de vous un être humain soumis à la pression. Ce qui définit un bon parent, c’est sa capacité à ne pas passer à l’acte et à chercher de l’aide.
Conclusion
Avoir parfois l’envie de frapper son enfant ne fait pas de vous un mauvais parent, mais révèle un état de fatigue, de stress ou d’impuissance qui mérite d’être entendu. Comme le rappelle le psychologue Antoine Lejay, l’important est de distinguer la pulsion du passage à l’acte, et surtout de chercher à transformer cette énergie en réflexion plutôt qu’en violence.
